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Brut d'écriture

25 Septembre 2021, 09:16am

Publié par Ardalia

Voilà plusieurs jours, maintenant, que j’ai cette sensation de tournis qui s’empare de ma tête et me rend la station debout ou les mouvements difficiles, à la limite du nauséeux.
Comme d’habitude, j’ai commencé par avoir peur, à me demander nerveusement si ce n’était pas une carence alimentaire, à me précipiter sur du magnésium. Et puis le temps passe et la raison reprend ses droits, je sais que c’est ma nuque qui est tendue et que c’est cela, l’origine du tournis.
Je me souviens de la première fois que c’est arrivé, j’étais au collège et une de mes prothèses auditives était tombée en panne de pile, en séance de sport. Je crois que nous faisions du saut en hauteur, dans la salle du fond, celle où siégeait le gros matelas destiné à cela. J’ai eu le tournis, cette fois-là, cette unique fois où je n’entendais que d’une oreille. Il est pourtant arrivé bien d'autres fois que je sois en panne de pile pendant plusieurs heures. C’est revenu à la fac, avec la même source.
Que de temps a-t-il fallu pour comprendre que cela vient de mon stress ! Que de temps pour le découvrir, que de temps pour admettre, à chaque fois que ça arrive, obnubilée que je suis par ce que j’ai à faire. Ça a resurgi la semaine dernière, chez le kinésithérapeute, avant la séance de rééducation sportive. Encore du sport. Est-ce un hasard ? Je ne sais pas.
Je suis perdue et triste, confrontée encore et encore à cette sensation désagréable et nauséeuse.
Qu’est-ce qui se passe ? Ou plutôt, qu’est-ce qui se passe de plus que d’habitude ? Je suis si fatiguée de toute cette peur… Je me souviens avoir écrit dans mon journal intime, quand j’étais jeune femme, que j’avais "peur de tout", avec une rage hargneuse, je me détestais, profondément convaincue de ma médiocrité, par une mécanique presqu’inconsciente de comparaison et de jugements.

Aujourd’hui, il y a beau avoir moins de colère, c’est encore et toujours difficile de faire cesser la course en avant pour avoir le champ mental libre à un éclaircissement mental efficace sur ce qui stresse. Je surveille mon cou, l’attention tout de même assez mauvaise, me surprenant avec des postures de tête « stupides », en tout les cas, tendues, pour le moins.
Je me souviens parfaitement de ma mère, en contre-plongée, car j’étais petite, dire fermement, le regard sévère au loin, comme c’était stupide d’avoir peur des piqûres, comme c’était ridicule d’avoir peur du dentiste, surtout le nôtre, qui était, il est vrai, très attentif à la douleur de ses patients. Du coup, je n’ai pas peur des piqûres, pas peur du dentiste. Pas peur ? En réalité, quand je vais chez le dentiste ou me faire faire une piqûre, je flotte dans une sorte de léthargie de puissance. C’est si fort que bien souvent, lors d’attentes un peu longues dans la salle d’attente du dentiste, j’ai manqué m’endormir...
Bien sûr que j’ai peur, pas forcément de l’acte de la piqûre, qui n’est pas si terrible, évidemment, mais de la situation, de la personne, de la posture passive de vulnérabilité qu’il faut s’imposer. J’ai peur de la personne masquée, dont je vais comprendre un mot sur dix, et qu’il faut veiller à ne pas faire trop répéter, sous peine de reproche, de jugement, de rejet.
Ma dentiste actuelle a une voix aigüe, parle vite, du nez, est enclose dans une représentation d’elle-même nonchalante. Pourtant, je sens sa colère et sa peur, vibrantes. Quand nous nous serrions encore la main, elle avait ce geste du poignet pour Indiquer la direction de la sortie et pousser la personne dehors. Ce doit être une technique de PNL. Je ne sais pas d’où ça sort, mais je comprenais parfaitement le message et il me rendait folle de colère. Si je n’avais pas été si verrouillée, j’aurais voulu lui broyer les doigts et lui imposer violemment ma loi, mon rythme et mon éducation. Ce geste, d’une grossièreté accomplie, j’aurais voulu le lui faire bouffer. Comme s’il était nécessaire de me pousser dehors…
Quelle farce. Monter avec patience ce personnage social — si poli et charmant — et être confrontée à la stratégie désespérée d’une personne si embarrassée avec les autres qu’elle doit les pousser dehors, totalement aveugle à ce qui se passe en eux.
Je me souviens assez clairement de ce jour où je me suis jetée dans ce bain social. J’étais adolescente, chez mes parents, je me vois descendre les escaliers, leurs amis sont arrivés, mes parents sont loin, dans le jardin. Je me vois, d’un coup, sur scène. Eux qui n’avaient connus que cette sauvageonne muette, toujours à demi-cachée, ont découvert ce personnage. Le dos droit, le sourire aux lèvres, le regard « franc » qui se rive dans les yeux, les gestes ouverts et les paroles automatiques. Je me suis surprise à dire, sans réfléchir : «  Vous n’avez pas eu de mal pour venir ? »

Ce jour-là, j’ai su que je pourrais parler avec n’importe quelle personne en lui parlant d’elle-même. Sans l’avoir voulu ou même cherché, j’avais intégré l’art du salamalec social, tout ce qui permet aux gens de parler d’eux, de se lier entre eux. Ainsi la peur a-t-elle reculé dans l’ombre, peu à peu, Pourtant, il était si aisé de la voir. Dans la maladive timidité, dans le laconisme, dans la transpiration excessive, dans la posture raide, dans les vêtements « sérieux », etc.

Aujourd’hui, que suite à un long chemin, je m’ouvre, il faut tout de même être surprise encore et encore par ses signes, les mal-comprendre, les admettre, les accueillir, enfin. Peut-être que c’est de là ? Il y a quelque temps, je suis allée déjeuner chez mon ex et je lui ai dit, mais je lui ai aussi montré, comme la solitude « est pourrie » pour moi. J’ai répété ce mot et j’aurais voulu pouvoir développer. Mais tout de même, ce petit peu que j’ai donné à voir a changé quelque chose. Mes rêves ont changé. Ah, ils ne sont pas devenus plus doux, mais ils sont devenus plus peuplés, du moins. Je rêvais sempiternellement de maisons ou de galeries marchandes, ou de rues où j'allais perdue. Le lieu était familier, je venais de traverser ces pièces, pourtant, quand je m’en retournais, j'étais complètement perdue, car tout étant changé rallongé, encombré, bizarre. Mais j’étais seule, je voulais rejoindre des « amis » inconnus, mais j’étais irrémédiablement seule et perdue dans ces espaces si beaux, si prometteurs et hostiles de mouvance torses, de non-repères fuyants, de tricherie.

Et depuis que j’ai dis ça, sur cette solitude dégueulasse, immonde, horrible, mais surtout dégoûtante, répugnante… Eh bien, je fais des rêves avec des gens.
Après toutes ces années de rêves ou « le rêve des gens » était perdu derrière l’ignoble charogne de la solitude, je rêve de gens. Alors, ce n’est pas doux pour autant, les gens étant une espèce sensiblement stupide, mais de plus près, il est possible de les trouver aussi attendrissants.
Je vais donner ça à lire aux gens et immédiatement, il n’y a plus de tournis.
Dreams in progress.

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