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Brut de jour

6 Octobre 2021, 09:55am

Publié par Ardalia

Tu ne peux pas tout raconter, me dis-je. Et c’est vrai, et ça sortira comme ça peut. Je ne veux pas « faire du beau » avec ce que je pense ou ce qui se passe, là immédiatement.

J’ai rêvé que je vivais dans une sorte de colloc, dans la maison où j’ai grandi, avec des potes. C’était mon jour de gouvernance et je me sentais submergée, il y avait trop à faire et les gens semblaient indifférents à l’accumulation du désordre et de la saleté. A un moment, je vois des gens dans le jardin, près du bassin. Je suis choquée et plus je m’approche, plus il y en a, près d’eux, je vois que ce sont des gitans, je demande à deux jeunes femmes si elles parlent français et ça les fait rire. Je leur dis gravement « ici, c’est une propriété privée et je vous demande de partir ». Aussitôt, le rire s’efface de leur magnifiques visages d’Indiennes, et elles se lèvent, interpellent leurs amis et ils commencent à s’éloigner, d’un pas tranquille. Mais d’autres sont venus à qui je fais la même demande. Tout ce temps, je me sens si médiocre, si minable, accrochée à la propriété. Je les suis un peu, soumise et morveuse et, au lieu du chemin qui mène à la maison, se trouve la galerie immense et sublime d’une sorte de cathédrale indienne. Je m’incline légèrement pour saluer les personnes, je me sens coupable et je vais m’en retourner vers la maison, pleine de ma misère morale quand je sens un contact bref, sur une épaule, c’est la jeune femme qui m’a parlé au début et qui me fais un grand sourire : tout va bien pour elle et elle est belle comme le sont les actrices dans les films de Bollywood.  
C’est beau et voilà, je m’accroche à ma misère de propriété, de devoir, de vagues potes qui s’en foutent de ma vie, comme dans la vie…

Hier, j’ai vu mon psy et je suis dérangée de voir comme je ne lui dis « rien ». Je ne lui dis pas avoir pensé X fois « je ne veux pas de cette vie » la semaine dernière et envier les animaux que l’on euthanasie si aisément, nous, « humains », tristes farceurs. Nous trouvons plus humain d’achever nos animaux et c’est vrai, totalement vrai, c’est pour notre gueule à nous, eux, on s’en branle de savoir comment ils veulent crever. Non ?

Pourquoi je ne lui dis pas ça ? Pourquoi je ne lui parle pas de l’intellect qui s’en va, des mes capacités intellectuelles que je vois décliner, dans un mélange de peur et d’un amertume qui se veut totale, une amertume qui ne laisse plus rien d’autre la bousculer, dans sa marche sombre d’auto-destruction. Je ne sais pas. J’étais fâchée contre moi, mais ça s’est calmé, peut-être que c’est juste pour lui donner des clefs, pour qu’il comprenne m’aide efficacement, car il y a de cela.
Sur le chemin du retour, ça a fait le plein de sucres et ça se bourre encore. Le drame continue encore et encore. Ça se méprise, ça se dégoûte, ça ne veut pas savoir. Ça voudrait avoir une image sociale classe, admirable, séduisante. C’est même comme ça que ça projette sa spiritualité, tu sais, ça se fait des films, sans fin.
C’est outré, chagriné, détruit, encore et encore, de sa solitude, de l’indifférence des personnes. C’est terrorisé.
J’avais déjà compris un truc, maintenant, je le vois. En 1997, j’ai été obligée de partir en colonie de vacances. Cet été-là, un garçon a trouvé drôle de m’immobiliser et d’introduire, de force, sa langue dans ma bouche, contre la mienne. Je n’ai rien dit aux moniteurs, je suis allée m’acheter « du sucre » et, depuis ça, je suis addict au sucre. Sur le moment, c’est comme un double discours : se consoler, se donner de la douceur et punir ma mère, qui me l’avait toujours dosé, mais moins que pour mes frère et sœurs. Il y a un côté défi, transgression, vengeance contre celle qui m’a encore abandonnée et il y a cette folle consolation, ineffable, inégalable autrement.
Donc, avec l’éclosion de sa dépression, il y a deux ans, ça a pris 20 kilos et ça a mis deux ans a se faire un peu plus à ses nouvelles mensurations… C’est un peu bornée, dans son état de panique constant… Et hier, c’est sorti pour la première fois, la rage au ventre, dans le manteau Kilabille, cette marque infâmante des « pauvres » et des vêtements de piètre qualité. Du coup, ça a pu constater que 20% de laine, ce n’est vraiment pas grand-chose.

Je me dis maintenant que ça ne veut pas faire de « beau » avec sa misère, comme font les artistes, parce que dans sa logique jusqu’au-boutiste, ça ne veut se montrer que ça totale vilénie, qui sait, avec un peu de chance, ça pourrait être lapidé ? Non, ce n’est pas un fantasme, mais si ça pouvait hâter la fin, n’est-ce pas ?

Est-ce que ça veut mourir ? Comment dire ? Un fantasme d’enfance, est-ce une volonté ? Si ça n’a pas été mis à… exécution ? Oui, ça voudrait éteindre son cerveau de douleur, ça voudrait vivre de la douceur et de la joie. Est-ce emporté par le désespoir ? Jamais totalement.

Hier, à la kiné, ça y est parvenu, un instant, vraiment une fraction de seconde, totalement dans la présence au corps, mais ça n’a pas duré du tout. Ça se noie sans cesse dans son fatras de croyances plus ou moins conscientes et ça agit en automate, guidée par ses devoirs, ses obligations et submergée, ça renvoie Bollywood dans cette vie de rêve…
 

 

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