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Le chemin d'aujourd'hui

10 Octobre 2019, 22:59pm

Publié par Ardalia

J’ai déjà évoqué sur mon blog, la personne de Madame Thévenin. C’était la responsable du lycée des Oiseaux, quand j’y ai été admise. Malheureusement, à la rentrée, elle a changé de poste et est partie pour le lycée technique, qui n’était pas dans le même bâtiment. Je garde un souvenir ébloui de cette femme. Je l’ai vue de près lors du rendez-vous avec mes parents, pour discuter de mes particularités et éventuellement des aménagements que ça demanderait. Je l’ai observée attentivement, et je l’ai vu accueillir, je l’ai vue comprendre mes parents, je l’ai vue ménager les sentiments qu’elle avait observés. J’ai conçu une folle admiration pour l’adulte que j’ai vue dans cette femme. Cette clarté dans sa tête, cette intelligence de sobres réactions, cette écoute, ce calme, cette « sagesse », pour le dire avec un mot que j’aime, m’ont illuminée. J’ai été très désespérée de son départ, quelques jours plus tard…

Moi, je suis hystérique. Dire ça me fait du bien et me fait rire. Depuis si jeune, je suis dans une telle maîtrise de mes émotions, de mes réactions, que pendant des années, on m’a dit que j’avais l’air froide et distante, et c’était vrai. Je m’étais drapée dans un système de mépris, dont je pensais qu’il me protégeait de la vulnérance du monde et dont j’ignorais alors le mal qu’il me faisait et le mal dont il était le symptôme.

Depuis quelque temps je suis tourmentée par le fait que je ne peux pas montrer ma façon de danser et que je peux pas chanter devant des gens. Des événements me montrent mon désir de me montrer et les blocages qui m’en empêchent. J’ai passé beaucoup de temps, aujourd’hui avec la conscientisation de ma peur d’avoir honte. C’est le résultat qu’ont eu sur moi de nombreuses situations où je me suis sentie « humiliée », c’est-à-dire, honteuse de moi-même.
Ce soir, je suis allée au Café Empathique et j’ai eu la chance de pouvoir écouter le beau et grand jeune homme qui était venu. Après l’écoute qu'il avait reçue, il était d’accord pour m’écouter un peu et je lui ai dit que suite au contact de ma main sur son bras et au contact de sa main sur mon genou, j’étais stimulée... Tout s’est très bien passé, dans l’honnêteté, dans la bienveillance et dans la connexion. Il n’était pas raccord avec moi, ce que je n’attendais pas et j’ai assumé la part névrotique de cette réaction un brin excessive (je n’étais pas spécialement attirée par lui). Cela rejoint ces moments où j’ai dit « mon intention n’était pas pure » suite à une discussion où j’avais compris que je voulais changer l’autre et cet autre moment où j’ai dit « j’ai menti », parce que j’avais fait semblant de comprendre un propos, alors que ce n’était pas le cas.
Je suis sortie contente de cette soirée et je me suis demandée pourquoi je me disais « bon, je l’ai dit franchement, en assumant ma névrose (d’abandon), ça, c’est fait. ». Pourquoi ce besoin de passer par ce moment d’une « franchise » non nécessaire ?
Et j’ai compris tout à l’heure : parce que je suis « hystérique ». Je change, je veux changer et il y a un moment où je veux m’exhiber avec ce changement. C’est assumer, brièvement, mon profond désir d’attention et de reconnaissance. Si je n’avais pas été autant humiliée dans ma jeunesse, j’aurais été une femme très sensuelle, exhibitionniste, cherchant l’attention par son look, mettant ses formes en valeur, forçant la chaleur de sa voix, exagérant sa sensualité gestuelle et entretenant bille en tête sa conversation culturelle nourrie de littérature et de cinéma érotique… Si je n’avais pas été humiliée, j’aurais été une grande névrosée d’abandon, une personne lâchée dans toutes ses stratégies pour attirer l’attention et pour conserver la proximité des hommes… C'est la honte qui m'a empêchée de développer pleinement tout ça.

Me disant ça, ce soir, j’ai de l’amour pour moi, moi et mes névroses, comment elles se manifestent, comment j’en prends conscience, comment je peux me regarder avec de plus en plus de douceur… C’est Mme Thévenin en moi qui m’observe, qui sourit, qui est bienveillante sans être dupe le moins du monde…

Et c’est un vœu pieux, de vouloir devenir Mme Thévenin, car je ne suis pas cette personne… j’ignore totalement quelles étaient les névroses de cette dame, mais je sais qu’elle n’était pas du tout « hystérique », comme je le suis. Je doute profondément que ses fantasmes soient passés par Broadway, par exemple.
Pourquoi « hystérique » ? Parce que je suis une crâneuse ! Parce que j’en fais « trop ». Je ressens « trop ». Je suis « trop » franche avec un inconnu, quand ce n’est pas nécessaire. Pour l'instant, je ne peux pas seulement me réjouir de changer et avoir de l’attention et de l’approbation pour ça. A la fin, oui, je peux dire « je change et c’est génial ! », mais avant ça, il faut passer par l’expression d’un « trop » que je vais donner à l’autre le cœur battant, pour voir que c’est ok pour lui, qu’il ne cherche pas à m’humilier... Comment une névrose force l'autre pour s'exprimer...

Aujourd’hui, je n’ai eu que des cadeaux et ça me ravit. Est-ce vrai ? n’est-ce pas une interprétation d’hystérique ? « je suis hystérique », est-ce vrai ?
Je ne sais pas.
Je ne sais pas du tout comment va se passer la suite, par où va me faire passer mon épanouissement. Je suis contente de parler de moi, contente d’avoir de l’accueil bienveillant pour ça. Je prends des notes, je me nourris comme une perdue, j’observe, je comprends, j’explique ce que je comprends. Je pense que pour sortir des systèmes névrotiques, je dois apprendre à m’aimer comme je suis, comme c’est, avec ces « trop » qui sont là, pour le moment.  

Quelque part en moi, je suis cette grand-mère qui observe sa petite fille adolescente danser et chanter librement dans le salon, rêvant et cherchant sa voie pour exister dans le monde. Et je suis heureuse qu’elle puisse vivre tout ça sans fausse pudeur avec moi, car je l’aime comme elle est, elle est belle et généreuse d’elle-même, et je suis confiante qu’elle va devenir, qu’elle va changer, que ça va se stabiliser pour elle et qu’elle trouvera son chemin.

Et en la regardant, je sais : tout commence aujourd’hui.

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