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J.f. ch. interlocuteur

12 Mai 2009, 07:49am

Publié par Ardalia

Je viens de finir un livre, ce qui n'est pas si courant eu égard à la quantité de livres commencés et empilés, languissants, étreignant éperduement leurs marque-pages plus ou moins sophistiqués par mes soins conçus, piles éparpillées sur diverses surfaces planes : la table-basse, la table haute, la table de chevet, le bureau et toutes les étagères à diposition.
Je viens de finir un livre et je n'ai personne avec qui en parler.
Il me souvient avoir été jalouse, enfant, des ces lectures que tout le monde avait faites avant moi, ce que je pouvais en dire n'intéressait personne, ou il fallait juste que je reçoive ce qui en était dit : je n'ai pas lu ; c'est chiant ; c'est vachement bien. Comme tout autre sentiment, j'ai appris à cacher mon enthousiasme, tout au moins à le doucher par devers moi : personne n'en a rien à faire, ma pauvre. Mon temps se passait à lire tout ce qui pouvait m'intéresser, seule dans mon coin. Le pli fut pris, moi qui avait fait partie d'une bande si longtemps, j'appris à m'enfermer pour me le voir ensuite reprocher, l'ironie cuisante n'apparaissant qu'à mes yeux et sans guère faire sourire mon esprit. Méthodiquement, toutes mes ailes furent rongées, piétinées, arrachées, puis on vint me reprocher de ne pas sortir.
Il faut reconnaître que mes copains de foot n'en avaient pas grand-chose à faire, de la lecture. Plus tard, j'ai rencontré d'autres et de bien meilleures, de vraies premières de la classe, qui parlaient littérature à la maison, qui pouvaient, remplies de leur plaisir et de leurs mots, faire part sans complexes de leurs jouissance de lectrices ; j'étais déjà, depuis longtemps enfermée dans ma bulle solitaire. A la fac, le plaisir de la lecture m'a peu à peu quittée, soit mes enthousiasmes n'étaient pas partagés, soit les échanges demeuraient indigents : c'est dur ; c'est chiant ; je ne comprends pas ; c'est trop bien. Je n'avais plus besoin de la lecture comme d'un refuge, je croyais vivre et peut-être ai-je vécu un peu, en douce.
Depuis quelques années, j'avais appris à parler de moi, des gens, des egos, ces quelques gammes, les plus pauvres, de la conversation. Je parlais de ce qui intéressait, sans donner le sentiment de la lassitude, anémiée pourtant de l'étroitesse qui m'écrasait, inapte aux jeux sociaux et m'y essayant avec une grâce bourrine, raide et empruntée. Ces dernières années, j'ai passé des heures avec des gens à parler de plein de choses, assis à une terrasse de café, et j'ai fini par comprendre que ce n'est pas ainsi que l'on apprend à connaître une personne, si l'on veut bien, on s'enrichit l'un l'autre, si l'on ne veut pas, il ne reste rien.
Pourtant, je ne suis pas dégoûtée de la conversation, mais je n'en attend plus grand chose de grand, le grand surgit parfois, rarement. Et le petit, eh bien, la peine qu'il me demande ne vaut pas toujours la chandelle.

Mais voilà, je viens de finir un livre et j'aimerai un interlovuteur pour prendre du recul et mesurer sa masse, pour partager la joie, pour ouvrir des pistes. Je songe avec envie aux Saint-Exupéry, aux Sarraute, aux Badinter, ces couples non de légende mais bien réels, où la parole et l'écrit sont des exercices frères, l'avers et le revers d'une même médaille, deux mutuelles fécondations de l'esprit...
Oui, j'y songe avec beaucoup d'envie.
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K
300 g? ça reste léger pour un livre...pour une livre aussire marque...kb...l'analyste au kilo
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A
<br /> Qu'est-ce que tu veux, j'ai pris l'habitude de poser des questions à des gens beaucoup plus intelligents et cultivés que moi, afin de mieux cerner mon opinion...<br /> Mais quand même, 300 grammes la livre, c'est de l'arnaque en grand !<br /> <br /> <br />
K
Mais voilà, je viens de finir un livre et j'aimerai un interlovuteur pour prendre du recul et mesurer sa masse, pour partager la joie, pour ouvrir des pistesben je veux bien interlocuter...si tu recules assez pour pas me l'envoyer dans la gueule juste pour le plaisir d'en mesurer sa masse
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A
<br /> Oh, à vue de nez, je dirais que le poids avoisine les 300 grammes, pour la masse, c'est plus difficile...<br /> :p<br /> <br /> <br />
U
Il me tente ton bouquin.J'ai déjà lu, recommandé par toi, "parents immatures et enfants adultes" et j'ai beaucoup aimé. Donc "rêve de droite" pourrait bien faire parti de la prochaine charrette de commande sur amazon.UMA
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A
<br /> Uma, puisses-tu en sortir moins remplie de questions que moi !<br /> <br /> <br />
C
Alors ce livre c'était quoi.....?tu aurais pu citer Beauvoir/Sartre - Dombasle/Levy - titi/grominet - omar/fred.....
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A
<br /> Oh, c'était Rêve de droite dont j'ai déjà parlé. J'ai pensé à Beauvoir et Sartre, bien sûr - pas aux autres, curieusment - mais ils étaient réputés pour chercher leur plaisir hors de leur<br /> couple...<br /> Moi z'voudrais bien faire s'arrêter un Grominet!<br /> ;)<br /> <br /> <br />
C
Dans mes jeunes années, nous allions au cinéma en bande, voir de bons films français, ou italiens, ou suédois, ou espagnols... avant que les USA nous envahissent. C'était l'époque des ciné-clubs, des petites salles qui organisaient la semaine "Bunuel", la semaine "Godart", etc. Les séances de cinéma étaient toujours suivies de discussions au bar du coin sur le film que nous venions de voir, discussions qui pouvaient durer tant que le patron du bar ne nous mettait pas dehors, et il nous arrivait ensuite de nous retrouver chez l'un ou chez l'autre pour continer nos débats. C'était une époque heureuse, riche d'échanges humains...
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A
<br /> Je n'en doute pas.<br /> :)<br /> <br /> <br />