Maintenant
Chers lecteurs, il n'y a rien de plus minable que de s'appitoyer sur soi-même. Ainsi, ayant forcé sur mon dos vendredi, il me faut le payer par deux jours d'immobilisation totale, à peine un saut hier pour trouver quelque onguent et comprimés à la pharmacie. Il faut me reposer...
Alors, magré la douleur, je reste devant l'écran, à trainer sur les réseaux sociaux et à regarder des séries télévisées. La semaine dernière, mes amis les plus proches et mon psy sont tous partis en vacances, si bien que sans les séances de kiné, je n'aurais parlé à strictement personne en une semaine. Cela ne signifie pas que j' inonde le brave homme de bavardage, ne croyez pas que je me rattrape sur le vide pour combler le creux.
En vérité, dimanche, lundi et mardi, je suis allée à la piscine, pour bronzer et, comme toujours, progresser face à l'eau. Vendredi, j'ai donc forcé la peur et mon dos n'a attendu que 24h pour m'en faire payer le prix. Depuis je geins...
Sur le net, il y a eu ce déchainement de haine contre Médiapart, partout, tout le temps, les censeurs de gauche et de droite veulent imposer leur façon de voir, seule juste, seule bonne, seule vraiment morale. Cela me fait d'autant plus de peine dans mon état de faiblesse physique ; en continuant la rédaction de mon texte, je nage dans le fiel des petites phrases qui tuent au quotidien, si bien que je suis cernée par la haine. Je regarde tous ces gens si malheureux qui s'écharpent pour avoir raison et je vois en moi les mêmes désirs.
Au fond, je commence à comprendre ma chance de ne plus pouvoir nier mes chagrins longtemps. Les clenches qui enferment mes refoulements ont été tant de fois forcées : elles sont devenues molles, rondes, inutiles. C'est très agaçant pour moi d'admettre perdre le contrôle, cela m'oblige à de l'humilité, à de la simplicité et il ne pouvait rien m'arriver de mieux.
Pleine d'amertume, mon premier geste est de trouver l'amertume qui réponde à mon chagrin : un peu de Muray, un peu de Cioran, pourquoi pas un peu de La Bruyère ? Mais le simple souvenir de leurs écrits me soulève le coeur, on ne soigne pas le mal par le mal... Si mon coeur est amer, ce n'est pas d'amer qu'il a besoin, mais d'amour. Ainsi en va-t-il de tous les amers qui se sont enfermés dans les déceptions et se punissent de leur malheur en recommençant sans fin le cycle vicieux de la frustration affective. Et je danse avec eux, ne sachant que faire d'autre... Pourtant je suis lasse.
Et je vois les résultats extraordinaires qu'ont sur moi les petits bouts d'amour pur que l'on me donne par élan ou compassion... Ils ne me font pas mal, comme c'est arrivé, quand je pensais que c'était trop peu, une goutte dans un désert, quand je pensais que c'était de la condescendance ou de la bonne conscience que l'on se donnait par rapport à ma misère...
Je suis fatiguée de grandiloquence creuse, de bavardage vide, de tractations aigries. Tout est bien qui n'est pas honteux, malfaisant, égoïste. tout est bien qui se donne à vivre au présent, sans projections devant-derrière à la recherche d'excuses et d'alibis.
Je suis fatiguée et c'est bien. C'est maintenant, voilà tout.