#lol
Chers lecteurs, m'aiderez-vous à comprendre quelque chose ?
Il n'est pas rare, sur FB ou Twitter, de voir des messages de gens qui déclarent être pleinement heureux, en général pour des raisons extérieures précises : lieux, compagnie, nourriture, etc. Or, je ne comprends pas ces messages.
Le zen dit que dès lors que l'on commente l'instant, on n'y est plus. Si je baigne dans la joie du beau, dire : "c'est beau." est déjà un écart fait à cette joie. Je ne veux pas dire qu'il faut s'interdire de parler, simplement qu'il est important de vivre pleinement l'émotion, a fortiori si elle est agréable.
Pourquoi "a fortiori" ? Parce que la douleur ne nous laisse pas d'espace ! On n'imagine pas, en tout cas pas moi, un twitt (message de 140 caractères sur le site Twitter) qui dirait : "Suis à l'enterrement de ma mère, affreux, j'ai envie de mourir. :(" ou "mon enfant entre la vie et la mort, on file à l'hosto. T_T" Pour information, ce smiley figure, à la verticale, un visage en pleurs. Il y a une urgence de la douleur, c'est un gouffre qui ne nous laisse pas le choix de baguenauder, de nous en distraire, de le commenter gentiment...
Et, par ailleurs, le bonheur fait la même chose, si l'on y réfléchit bien. Je repensais hier à une chanson de Jeanne Moreau qui s'appelle Le Nombril ; il y est dit "Je suis le nombril du monde, tu es le nombril du monde..." qui définit en quelque sorte l'individualité égotique de chacun. Mais n'est-ce pas aussi une excellente définition du bonheur ? L'instant où je suis heureux est absolument plein de ce bonheur, reléguant tout le reste dans l'oubli, le néant, le bonheur véritable se vit, point.
J'en conclus donc -abusivement ?- que commenter son prétendu bonheur, ce n'est pas être heureux. Je ne veux pas dire qu'il soit aberrant de déclarer son bien-être, par exemple dans la célébration ou dans la reconnaissance. Mais dès lors que je m'occupe de cela, je ne suis plus dans le bonheur.
Mais que penser d'une célébration non partagée par les autres ? Pourquoi agiter ma félicité sous le nez de qui n'en profite pas ? Je me demande dans quelle mesure ce n'est pas un avatar de la société du spectacle : "regardez le spectacle de ma vie". Au fond, l'aveu criant d'un manque d'être déguisé sous les atours séduisants d'un paraître flatteur.
Votre point de vue est le bienvenu, qu'il contredise ou conforte le mien, qu'en dites-vous ?