La CDthèque
Chers lecteurs, depuis 4 ans déjà que j'avais quitté Paris, ma musique me manquait. En effet, dans mon clapier j'avais confectionné d'astucieuses étagères de carton telles que je puisse à peu près tout voir et tout écouter facilement.
Mais dans mes nouveaux logements, d'abord l'appartement à Toulouse et ici, dans la Couvemaison (en banlieue toulousaine), J'ai redonné à tous mes livres le droit de voir le jour. Il faut dire aussi que lors de mon bail parisien j'ai provoqué et subi les conséquences d'une inondation et que les livres soigneusement calés sous les étagères Kikéla en ont essuyé les aqueuses conséquences. C'est ainsi que j'ai dû, horresco referens, jeter des livres à la poubelle, dont les Essais de Montaigne qui s'étaient mis à frisotter et à dégager une odeur quelque peu fétide, ce qui ne ressemble guère à Michel qui se lavait une fois par semaine, lui.
C'est donc forte de cette expérience — sans même avoir besoin d'être perché sur une racine de bruyère, le papier boit l'eau — que j'ai décidé que plus aucun de mes livres ne trainerait par terre et que j'ai donc dévolu toutes les étagères à cette qualité qu'on leur reconnaît volontiers : lutter contre la gravité. La conséquence de cette politique fut rigoureuse et cruelle, il ne restait plus aucune place pour les CDs.
Par ailleurs, mon attitude déraisonnable relative à l'achat quasi compulsif de livres ne s'étant pas améliorée avec l'éloignement de la ville (il y a des bus...), mon budget est toujours étique. J'ai donc décidé de piocher dans le système D, le gratuit, le fais-le-avec-tes-mains, autrement dit : les palettes.
J'ai donc décupéré cinq palettes avec l'aide de mon Coloc. Elles ont passé l'été au soleil et à la pluie alternés et j'ai fini par les démanteler, sur deux jours, à cause de la pluie (encore) qui m'empêchait de travailler. Cette opération — qui a vu l'acquisition d'un véritable marteau de charpentier lequel se révèla quasi essentiel — fut assez délicate, car il ne fallait pas casser trop de planches.
Ceci fait, je réfléchissais très mollement à mon meuble... Je fis un croquis :
Mes efforts n'allèrent pas plus loin, car ce que j'avais en tête était difficile à dessiner et ma vue n'allant pas en s'améliorant, je n'ai pas pu me débrouiller des lignes du carton de bristol. Et pis j'avais pas de papier millimetré !... Bref, la fainéantise l'a emporté.
Grâce à quoi, sitôt mes 48+32= 80 encoches pratiquées, il fallu admettre qu'elles étaient trop peu profondes et toutes les recreuser de 50 mm... Ce ne fut jamais qu'un jour de travail perdu. Et, non, je n'ai pas pensé, concentrée sur mon ergastule, à vérifier avant d'avoir tout fait. Pour qui me prenez-vous !
À noter qu'à cette occasion, j'ai découvert que ma scie à bois est bien plus précise que ma scie sauteuse qui louche d'un coté, si bien qu'il faut faire contre-loucher sa main pour scier droit, autant dire que c'est impossible. Cette constatation faite, j'ai scié tout le reste à la main. Puis les trous (du moins la majeure partie, ont été bouchés à la pâte à bois maison, c'est-à dire un mélange de sciure soigneusement conservée et de la colle à bois.
Ensuite, j'ai tout poncé à la main, d'abord au 40 (très rugueux), puis au 120 (peu rugueux), puis au 150 (tout doux) : les 6 faces des 32 planches. Cela s'est étendu sur trois jours, au terme desquels les courbatures le soulagement d'en avoir fini avec cet exercice laissa très vite place à l'asticot dans la culotte qui fait perdre toute patience, vite vite !
Mais il a fallu tout vernir (verni mat) en deux jours, en jonglant avec les averses que Septembre nous a apportées, imitant en cela Août, Juillet et Juin, comme c'est original.
Enfin, j'ai pu coller et commencer à visser (vis à bois, 35mm) ! Pour m'apercevoir qu'à cause de ma légèreté et de ma réticence à faire un vrai plan, deux planches étaient trop courtes. Normalement, il aurait dû leur manquer 30mm (j'me comprends), mais on avait 32 d'un coté et 37 de l'autre, ce qui rejoint assez le fait que le meuble fasse 24cm de profondeur d'un coté et 25 de l'autre...
Ce phénomère étrange s'explique par différentes choses : mes encoches pas strictement identiques d'une part et des planches pas strictement identiques d'autre part. Il a donc fallu, afin de contraindre l'excentricité natuelle du meuble, recouper, poncer et vernir deux autres planches, prises dans le tas encore important mis au rebut.
Les leçons à tirer de cette expérience :
-Faire un plan, bordel !
-Être plus soigneuse dans la réalisation.
-Acquérir une pince chasse-clou, des râpes, des ciseaux à bois, une varlope, des serre-joints dignes de ce nom et une autre mèche à bois de 3mm, vu que j'ai cassé la mienne, comme une grosse brute.
À noter que les barres sur les côtés servent à maintenir le tout ensemble car je n'ai pas confiance en mon savoir-faire et surtout en la colle. Et puis c'est pour l'effet cagette qui me ravit !
Au final, ça tient debout, malgré la gîte prononcée... Tous mes CDs y trouvent place et ça ressemble bien à ce que j'avais dans la tête, ce qui est quand même un signe de réussite. Je suis assez fière de moi, d'avoir osé et transformé l'essai, car cela fait très longtemps que je rêve de faire des meubles en bois. Et maintenant, ayant absolument tout fait d'un bout à l'autre, je sais que c'est possible.
Mes pensées sont souvent allées vers ma sœur aînée, qui m'a appris à peu près tout ce que je sais sur le bois et grâce à qui j'ai passé une éponge humide sur les planches avant de les vernir et ce, malgré l'asticot pressant.