Discour-crire
Ches et fidèles lecteurs, il est temps de vous parler des motifs pour lesquels ce blog est, il faut bien l'avouer, un peu en déshérence.
Tout d'abord, je ne me suis jamais imposé de discipline quant à mon rythme d'écriture. Depuis le début, les billets se sont écrit au jour le jour, sans contrainte et sans grand ordre. Qui plus est, la passion des débutants m'a quittée depuis longtemps et je ne suis plus aussi tributaire de vos réactions et de vos commentaires.
La raison de ma baisse d'écriture tient aussi à ma fréquentation désormais assidue des réseaux sociaux Touitteur et Faicebouque, qui me permettent souvent d'évacuer mes exaspérations au moment où elles me saisissent. Sur le blog précédent, un certain nombre de billets ont été rédigés dans un état de colère assez avancée, cette colère ayant largement bénéficié d'une macération longue, essentiellement due à l'isolement social. Je dois dire que la nouvelle conjoncture m'arrange, dans la mesure où mes éclats de colère une fois retombés me laissent surtout un sentiment de honte à plusieurs facettes. Perdre le contrôle, perdre la sage mesure et intoxiquer les esprits avec de mauvais penchants pétaradants ne sont pas pour me réjouir. Bien sûr, on ne peut tout choisir dans ce que l'on donne de soi, mais enfin, il faut tout de même prendre un cap et tenter de s'y tenir ; faillir peut-être, mais toujours pour y revenir.
Egalement, entre les mails, les discussions sur FB et les discussions dans la vie, mes petites idées qui trottent trouvent des esprits pour les recevoir et parfois les discuter, si bien qu'elles n'ont pas besoin d'être mise en scène par écrit.
Enfin, et ce n'est pas le moindre, j'écris. Echouant régulièrement à l'écriture totalement fictionnelle, j'ai fini par comprendre que je devais évacuer d'abord ce qui doit être dit à propos de ma famille. j'ai commencé par me lancer sans ordre dans une autobiographie chronologique des plus banales. Mais un ennui profond m'a rapidement submergée. Cette compilation de mes souvenirs promettait d'être parfaitement barbante, en raison d'un ton personnel généralement assez mélancolique, voire plaintif. Si c'était si ennuyeux à écrire, ce serait parfaitement indigeste à lire. En réalité, ma personne ne m'intéresse pas comme sujet d'écriture, il m'est apparu que ce que je voulais dire, c'était ce qui avait été dit. Je veux parler du discours, de la façon dont mon père parle du monde, dont ma mère nous a raconté sa jeunesse, de la façon dont mes frère et soeurs m'ont parlé, se sont parlé entre eux et de la façon dont ils racontent leur histoire.
Je suis la dernière, je suis donc celle à qui l'on a raconté beaucoup de choses sur ce qui s'est passé avant ma naissance, sur tout ce que je n'ai pas vu, pas vécu. Et je suis sans doute celle qui a le moins entendu, quoique qu'ils soient gravés dans ma chair comme dans celle de ma fratrie "ce qui se passe ici ne doit pas sortir des murs." C'est cette cage-là que je veux faire éclater, celle du silence, celle de la honte, celle, in fine, du refoulement et de la dévastation qu'il entraîne.
Je ne peux pas, par réserve morale, par honnêteté intellectuelle et par humanité, tout simplement, prétendre analyser les gens. On ne peut être juge et partie, d'une part, et d'autre part, je ne suis pas psychanalyste. Mais je peux rapporter -après tout, ils m'ont assez traitée de "rapporteuse"- et analyser le discours, sa forme et son fond, car c'est ma formation, tout simplement. Et écrire, c'est mon don. Je ne parle pas de talent, ce serait une insulte à ceux qui travaillent leur écriture, mais indéniablement, c'est un don qui m'a été fait ou s'est emparé de moi lorsque je marchais, rêveuse, au bord des pages, sur les rivages romanesques. Il faut l'assumer et le montrer, si difficile cela soit-il.
Alors voilà, j'écris ce "truc". Après avoir trouvé mon thème, j'ai fait un plan qui n'a que de lointains rapports avec la chronologie et qui se rapporte plutôt aux figures qui entourent le discours : le locuteur, l'interlocuteur, les spectateurs, essayant de saisir le fil rouge de ce discours. Il est très difficile d'extraire les propos de mes archives sans qu'ils entrainent avec eux tout un chapelet de souvenirs annexes : le lieu, l'heure et même la couleur de la nappe et surtout de dégager les propos de tous les commentaires qui en ont été faits entre nous par la suite. Par ailleurs, je suis souvent mise face aux limites de l'exercice pour moi : celles de ma mémoire surtout, et puis celles de mon affectivité qui doit être, non pas écartée, mais séparée des parties narratives ou, du moins, très clairement signalée.
Je n'écris pas beaucoup, maximum deux heures par jour, mais j'y pense quasi tout le temps, en filigramme ou clairement, je range, je trie, je classe dans ma petite tête pleine de courants d'air, jusqu'au moment où les idées sont à peu près en ordre, quelques mots d'introduction se présentent et vient le temps de poser les doigts sur le clavier et d'improviser.
Ecrire, c'est un peu réconcilier la cigale et la fourmi, au fond. Ne vous en faites pas, cela dit, le blog n'est pas mort, gageons qu'une future grognonnerie me ramènera bien vite à vous ! ;)