Instinct, lève-toi et danse avec la vie...
Chers lecteurs, j'avoue que parfois, je me fais peur.
Depuis toute gamine, je fonctionne à l'intuition. Sans l'avoir clairement pensé ainsi, je sentais bien, quoique qu'ayant été longtemps excellente élève, que je ne n'avais fait, ne faisais pas, ne ferais jamais partie des bons éléments à cause de ce qu ej'ai appelé mon dilettantisme, faute de mieux. En verité, les répétitions me rendaient folle, si les leçons me passionnaient, les apprendre m'assommait, faire des exercices me rendait chèvre.
Tout ce que je sais bien est tiré de mon expérience antérieure (ou postérieure, parfois) à la leçon, par exemple, tout (ou presque) ce que j'ai retenu de la philosophie, du taoïsme, de la spiritualité, de la psychologie, de la littérature, etc., je l'ai appris parce que j'y ai reconnu mon intuition obscure chairement formulée. Même en mathématique j'étais intuitive, je me souviens avoir souvent trouvé des réponses justes sans être le moindrement foutue d'expliciter en détail ma démarche : tout juste si je pouvais vaguement restituer la logique, en commençant par, au grand dam de beaucoup, "Bah, c'est évident..."
J'avais donc une drôle de position : intelligente, je sentais que ça bouillonnait un max, je ne pouvais pourtant m'astreindre à la démonstration pas à pas. Personne n'ayant songé à me discipliner, j'ai continué à passer mes diplômes en branleuse papillonnante, me retrouvant avec vergogne dans les fameux mots : "ses ailes de géant l'empêchent de marcher"...
Bon, si vous préférez aux ailes de géant, on peut parler de bottes de sept lieues, cette chose qui me sert de pensée étant capable de bonds impossibles à comprendre pour beaucoup de gens, et offrant au monde des intuitions profondes ou délirantes selon le regard porté dessus.
Voilà, j'ai une personnalité intuitive, ce qui signifie que prise sans cesse d'un élan conceptuel puissant, je peux avoir des traits lumineux comme m'emplafonner avec fracas. Notez que je sais reconnaître quand je me suis trompée, mais pas si mon intuition n'est pas fermement infirmée, j'ai raison tant qu'on ne m'a pas prouvé que j'ai tort. Peut-être est-ce la seule vraie force que j'ai hérité de mon père, un intuitif aussi, une confiance en cette pensée brûlante comme la fièvre, les échecs ne parvenant pas à assombrir les victoires.
Pourtant, depuis quelques années que j'ai la chance immense de croiser quelques vrais esprits rationnels, je mesure tout ce que ce dilettantisme m'a fait perdre, en terme de diplômes, bien sûr, mais surtout de reconnaissance sociale et enfin d'amis parce que ça peut être crevant de suivre un cabris maboul, surtout si l'on est une taupe sage et laborieuse ou une tortue opiniâtre. J'ai l'art de passer pour une folle aux yeux des gens ordonnés et traquilles, gens dont j'ai le plus grand besoin pour me calmer et m'assagir. Car je me fais peur avec ces bonds artistiques, vraiment.
Dernier épisode en date, une conversation passionnante avec la sage et géniale décortiqueuse Otir, grâce à qui j'ai changé d'avis à propos des contrôles policiers, mais avec strictement la même impétuosité, le même élan non pas stupide, mais hyper-audacieux compte tenu de ma ténue culture sur le sujet et de mon absence quasi totale d'argumentation raisonnable... J'en reviens toujours à ce que je crois, mon expérience, mon intuition. Pourquoi cela me fait peur ? Parce que ce mode de fonctionnement est une porte ouverte à l'abus de rhétorique, aux raccourcis mensongers et à l'intolérance pour les lents, les précis, les laborieux. En revenant sur certains passages, je réalise la folie de mon audace, même si elle fut juste, le peu d'éléments sur lesquels elle s'est appuyée. Ce mode de fonctionnement tend à soumettre à l'épatant, au clinquant, à la mauvaise foi la plus candide, à la brusquerie la plus blessante pour celui qui ne suit pas.
Finalement, je crois que je n'aurais pas été une bonne prof, j'en avais l'intuition, voilà que cela devient clair. Ce fantasme s'est construit sur l'idée issue de la propagande familiale qui voulait que je sois le portrait craché de ma mère et sur l'envie de faire bondir les petits cabris comme j'avais bondi moi-même, au mépris de toute réalité humaine. Apprendre afin de restituer, mettre ma pensée à genoux pour entrainer les plus faibles, ceux dont il convient de prendre le plus grand soin, échelonner le savoir, articuler simplement, toutes ces choses m'auraient rendues folle, j'aurais fini par le faire payer aux gosses. Au moins ai-je approché cette vérité en refusant d'enseigner aux sourds, leur manque de référentialité culturelle générale (entendante) me désespérait déjà à 19 ans et ma misanthropie n'a fait que croître depuis.
Alors quoi ? Mon frère avait raison en me préconisant de faire de la pub, le flair, l'instinct sont ma profonde nature, que je le veuille ou non. Si j'ai pu faire un bon mémoire de maîtrise, c'est grâce aux grands écarts culturels, à l'audace dans l'écriture, à la jouissance des petits bonds plus ou moins bien argumentés ; j'ai supporté la contrainte grâce au génie émanant de mes lectures, j'ai structuré en articulant artistement (pas forcément artistiquement), en jubilant de mes petits tours d'esprit. Même l'ordre je l'ai pris comme un jeu... Mais pas seulement. Sans mon directeur, cela n'aurait jamais été.
Je n'arrive à rien seule, à rien. L'excellence retrouvée dans mes études supérieures, je la dois aux profs en l'intelligence desquels je me gobergée, grisée, à laquelle je me suis droguée, en qui j'avais une confiance de papoose heureux et alerte et qui m'ont crue capable. Leurs mots, leurs encouragements m'ont portée comme le drapeau du porte-faix, comme la figure de proue du navire avec tout le vide que cela suppose. Car livrée à moi-même, je suis incapable d'étudier, d'être disciplinée, d'être vraiment "raisonnante". Livré à lui-même mon instinct ne sait plus où sauter, il s'occupe de choses triviales et sottes, il m'embrouille le peu de pensées cohérentes qui sourd encore de mon cerveau quasi malgré lui. Je ne suis pas autonome, le cabris n'est bien qu'avec une "maman".
Comment puis-je sortir de cela ? Est-ce possible ? Est-ce souhaitable ? J'admets dès aujourd'hui (et par la grâce d'une lecture) que mon fonctionnement est intuitif, comment puis-je le rendre autonome, le laisser dégager sa voie propre, sa voix de soliste ?...
Vous permettez ? je m'en vais cabrioler à ce sujet...
Depuis toute gamine, je fonctionne à l'intuition. Sans l'avoir clairement pensé ainsi, je sentais bien, quoique qu'ayant été longtemps excellente élève, que je ne n'avais fait, ne faisais pas, ne ferais jamais partie des bons éléments à cause de ce qu ej'ai appelé mon dilettantisme, faute de mieux. En verité, les répétitions me rendaient folle, si les leçons me passionnaient, les apprendre m'assommait, faire des exercices me rendait chèvre.
Tout ce que je sais bien est tiré de mon expérience antérieure (ou postérieure, parfois) à la leçon, par exemple, tout (ou presque) ce que j'ai retenu de la philosophie, du taoïsme, de la spiritualité, de la psychologie, de la littérature, etc., je l'ai appris parce que j'y ai reconnu mon intuition obscure chairement formulée. Même en mathématique j'étais intuitive, je me souviens avoir souvent trouvé des réponses justes sans être le moindrement foutue d'expliciter en détail ma démarche : tout juste si je pouvais vaguement restituer la logique, en commençant par, au grand dam de beaucoup, "Bah, c'est évident..."
J'avais donc une drôle de position : intelligente, je sentais que ça bouillonnait un max, je ne pouvais pourtant m'astreindre à la démonstration pas à pas. Personne n'ayant songé à me discipliner, j'ai continué à passer mes diplômes en branleuse papillonnante, me retrouvant avec vergogne dans les fameux mots : "ses ailes de géant l'empêchent de marcher"...
Bon, si vous préférez aux ailes de géant, on peut parler de bottes de sept lieues, cette chose qui me sert de pensée étant capable de bonds impossibles à comprendre pour beaucoup de gens, et offrant au monde des intuitions profondes ou délirantes selon le regard porté dessus.
Voilà, j'ai une personnalité intuitive, ce qui signifie que prise sans cesse d'un élan conceptuel puissant, je peux avoir des traits lumineux comme m'emplafonner avec fracas. Notez que je sais reconnaître quand je me suis trompée, mais pas si mon intuition n'est pas fermement infirmée, j'ai raison tant qu'on ne m'a pas prouvé que j'ai tort. Peut-être est-ce la seule vraie force que j'ai hérité de mon père, un intuitif aussi, une confiance en cette pensée brûlante comme la fièvre, les échecs ne parvenant pas à assombrir les victoires.
Pourtant, depuis quelques années que j'ai la chance immense de croiser quelques vrais esprits rationnels, je mesure tout ce que ce dilettantisme m'a fait perdre, en terme de diplômes, bien sûr, mais surtout de reconnaissance sociale et enfin d'amis parce que ça peut être crevant de suivre un cabris maboul, surtout si l'on est une taupe sage et laborieuse ou une tortue opiniâtre. J'ai l'art de passer pour une folle aux yeux des gens ordonnés et traquilles, gens dont j'ai le plus grand besoin pour me calmer et m'assagir. Car je me fais peur avec ces bonds artistiques, vraiment.
Dernier épisode en date, une conversation passionnante avec la sage et géniale décortiqueuse Otir, grâce à qui j'ai changé d'avis à propos des contrôles policiers, mais avec strictement la même impétuosité, le même élan non pas stupide, mais hyper-audacieux compte tenu de ma ténue culture sur le sujet et de mon absence quasi totale d'argumentation raisonnable... J'en reviens toujours à ce que je crois, mon expérience, mon intuition. Pourquoi cela me fait peur ? Parce que ce mode de fonctionnement est une porte ouverte à l'abus de rhétorique, aux raccourcis mensongers et à l'intolérance pour les lents, les précis, les laborieux. En revenant sur certains passages, je réalise la folie de mon audace, même si elle fut juste, le peu d'éléments sur lesquels elle s'est appuyée. Ce mode de fonctionnement tend à soumettre à l'épatant, au clinquant, à la mauvaise foi la plus candide, à la brusquerie la plus blessante pour celui qui ne suit pas.
Finalement, je crois que je n'aurais pas été une bonne prof, j'en avais l'intuition, voilà que cela devient clair. Ce fantasme s'est construit sur l'idée issue de la propagande familiale qui voulait que je sois le portrait craché de ma mère et sur l'envie de faire bondir les petits cabris comme j'avais bondi moi-même, au mépris de toute réalité humaine. Apprendre afin de restituer, mettre ma pensée à genoux pour entrainer les plus faibles, ceux dont il convient de prendre le plus grand soin, échelonner le savoir, articuler simplement, toutes ces choses m'auraient rendues folle, j'aurais fini par le faire payer aux gosses. Au moins ai-je approché cette vérité en refusant d'enseigner aux sourds, leur manque de référentialité culturelle générale (entendante) me désespérait déjà à 19 ans et ma misanthropie n'a fait que croître depuis.
Alors quoi ? Mon frère avait raison en me préconisant de faire de la pub, le flair, l'instinct sont ma profonde nature, que je le veuille ou non. Si j'ai pu faire un bon mémoire de maîtrise, c'est grâce aux grands écarts culturels, à l'audace dans l'écriture, à la jouissance des petits bonds plus ou moins bien argumentés ; j'ai supporté la contrainte grâce au génie émanant de mes lectures, j'ai structuré en articulant artistement (pas forcément artistiquement), en jubilant de mes petits tours d'esprit. Même l'ordre je l'ai pris comme un jeu... Mais pas seulement. Sans mon directeur, cela n'aurait jamais été.
Je n'arrive à rien seule, à rien. L'excellence retrouvée dans mes études supérieures, je la dois aux profs en l'intelligence desquels je me gobergée, grisée, à laquelle je me suis droguée, en qui j'avais une confiance de papoose heureux et alerte et qui m'ont crue capable. Leurs mots, leurs encouragements m'ont portée comme le drapeau du porte-faix, comme la figure de proue du navire avec tout le vide que cela suppose. Car livrée à moi-même, je suis incapable d'étudier, d'être disciplinée, d'être vraiment "raisonnante". Livré à lui-même mon instinct ne sait plus où sauter, il s'occupe de choses triviales et sottes, il m'embrouille le peu de pensées cohérentes qui sourd encore de mon cerveau quasi malgré lui. Je ne suis pas autonome, le cabris n'est bien qu'avec une "maman".
Comment puis-je sortir de cela ? Est-ce possible ? Est-ce souhaitable ? J'admets dès aujourd'hui (et par la grâce d'une lecture) que mon fonctionnement est intuitif, comment puis-je le rendre autonome, le laisser dégager sa voie propre, sa voix de soliste ?...
Vous permettez ? je m'en vais cabrioler à ce sujet...
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