Combattre l'homophobie
Aujourd'hui, journée internationale contre l'homophobie.
Je me demandais hier à quelle sauce j'allais bouffer ces tristes imbéciles d'homophobes quand mes cours sur les fêtes médiévales me sont revenus...
J'ai l'impression que deux choses dominent la crainte que le public manifeste avec méchanceté envers les hommes homosexuels. D'une part l'aspect priapique et d'autre part la faiblesse associée à
une supposée féminité.
Le premier trait semble directement couler de la figure de Pan, le dieu effectivement priapique ; ce qui me donne à penser que contrairement à ce que pensait Freud, le fantasme refoulé du viol
est partagé par bien plus que quelques "hystériques" ou alors l'on admet que l'hystérie déborde l'ensemble des possesseures* d'utérus. Pan, avec ses pieds fourchus et ses mœurs débridées fut une
figure idéale aux yeux de l'Eglise pour représenter le Diable et sa séduction fatale. Je rappelle que séduire, en latin, puis en roman signifiait "détourner du droit chemin"**. Etonnant
retournement, n'est-ce pas ? Ne croyez pas que ce soit un hasard si le moot a tellement évolué...
Par ailleurs, la pseudo-féminité renvoie au carnaval, au travestissement, à l'inversion et, pareillement à Priape, à la débauche et au vice. Tout cela, bien que ça ne transparaisse plus dans les
propos, dans les mémoires, fait partie de l'inconscient collectif, et cette haine qui nous travaille, nous, héritiers des cultures de la Méditerranée, pris entre les influences helléno-latines et
judéo-chrétiennes est entretenue au quotidien par les remarques sur les "homos" pédophiles, obsédés, violeurs...
Cet inconnu surpuissant se passe des femmes et de leur menace castratrice, c'est l'actif priapique, ou les a chassées pour prendre leur place, c'est l'inverti, le passif, qui s'est investi de
leur pouvoir... On comprend que cela fasse travailler sous le chapeau.
C'est peut-être cette idée de renouer avec la liberté sexuelle des festivals qui a motivé l'invention des Gay pride, mais il me semble que, même si cela s'accorde parfaitement avec la culture
consumériste du plaisir et du profit, c'est passer un peu vite sur des siècles de domination religieuse chrétienne ici, islamique là, bouddhique ailleurs... En ce sens, je me demande si ces
carnavals modernes ne sont pas un tir dans le pied.
En effet, les homosexuels qui doivent se cacher, qui subissent le poids de la culture machiste ne vivent pas bien à l'abri dans le microcosme joyeux du Marais. Personnellement, je n'ai pas
beaucoup de compassion pour les gens qui veulent choquer, ils m'emmerdent, quels ques soient leurs goûts. Non pas que je sois en colère ou envieuse, mais je crois en une rhétorique vertueuse,
même si je la cherche encore, et il me semble que choquer n'est pas une bonne manière de faire évoluer les mentalités. Choquer donne une secousse, s'il n'y apas un discours cohérent derrière, à
quoi cela sert-il ?
Car le fond du problème est là ; comment faire évoluer les mentalités ? Une solution serait que de plus en plus de personnes homosexuelles fassent un coming-out auprès de tout leur entourage et
au boulot, mais c'est un peu facile de rejeter sur ces seules personnes le travail de tolérance, d'ouverture d'esprit.
Car, par ailleurs, ce que nous, public, recevons de la "culture gaie", ce n'est pas exactement un modèle de tolérance et d'ouverture à la différence, à la fragilité, bien au contraire. Le revers
du culte du corps, c'est une profonde intolérance, à la "laideur" (quel que soit ce mystère), à la vieillesse (cet état pourtant inéxorable). En quoi le public devrait-il apprécier cette apologie
du sur-homme, désengagé, égoïste, méprisant ?
Comme les femmes, les gros, les tordus, les bronzés, les homos ont droit au quotidien, au banal, à la discrétion de la politesse, à une amitié claire et franche. Les mythes priapiques et
pédophiles ne disparaitront pas en montrant des "Créatures" magnifiques et grand-guignolesques***.
C'est à nous, mais autant pour ce qui concerne les femmes, les gros, les tordus et les estrangers de faire le travail, tout d'abord de nous mettre au clair avec nos fantômes, avec nos peurs et
nos fantasmes refoulés.Ce n'est pas exactement de la petite bière...
C'est facile d'accuser le con d'être con, encore faut-il faire la part que ce qui nous a été donné d'intelligence,de leçon de vie déniaisantes de rencontres éclairantes, de culture d'accueil et
d'acceptation... Ensuite, peut-être, une fois ce chemin parcouru en soi, pourra-t-on, comme l'eau sur la roche, imprimer un mouvement heureux, une usure bienfaisante aux esprits malheureux, aux
pointes agressives.
Pour ce qui concerne une méthode, je cherche encore, si vous avez des idées ?
* Je n'avais pas envie de tourner ma phrase autrement, il faut savoir évoluer.
**Voir ici
*** Mais que des personnes éprouvent le besoin de se transformer pour se sentir libres ne doit pas être jugé à l'emporte-pièce. Exister avec sa différence, cela demande un sacré boulot.
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