Ecrire, pour quoi faire ?
Quelle importance ? Quelle importance si je n'écris plus rien ? Je doute fort que vous manquent les plaintes, les invectiges ou les leçons de morale.
Dans ma vie, tout va mieux, les larmes se font très rares, les rencontres nombreuses. Les difficultés se succèdent, mais les cadeaux aussi, que ce soient des choses, des événements, des gens.
On change, et pourtant on ne change pas. Le monde non plus. Je n'ai pas plus de courage ou de répondant face aux difficultés qui m'effraient. Je n'ai pas plus d'espoir en moi, pas plus de confiance, non plus. J'essaie de voir ce qui est là, j'essaie d'écouter ce qui veut se dire. J'essaie juste de mieux me reposer, de moins me juger. C'est déjà un grand bien en soi, une voie à poursuivre. C'est sans doute moins douloureux de vivre, quand on n'est plus un sac de ronces pour soi-même. Et c'est aussi moins inconfortable de vivre sans se voir reprocher d'être malheureuse plutôt qu'heureuse. Sans se voir reprocher de se faire du mal à soi-même.
Je pense beaucoup à l'exaspération, à la colère, à ce qu'elles nous font faire (poil au...). Je pense à la méconnaissance que nous avons de nos émotions, comme nous les rejetons dans les limbes d'où elles nous hantent et pourrissent notre vie. C'est tellement plus facile quand on peut les accueillir et les regarder passer... C'est facile quand on peut le faire, ce n'est pas facile à faire. Non seulement nous rejettons nos émotions, mais parfois même nous ne voulons pas que quiconque s'y penche. La CNV me confronte à cela : des personnes qui nient si fort leurs émotions que rien (dans mes tentatives balourdes) ne peut leur faire admettre qu'elles en ont. Ça provoque de la détresse chez moi. Je me retrouve avec un besoin de prendre soin tout piétiné, mis en charpie, semé aux quatre vents. Au fond, c'est ce qui se passe dans ma famille. Que le mensonge rationnel peut donc faire de mal ! Une détresse non logiquement motivée n'a pas de place dans le monde des femmes et des hommes "sérieux"...
Et moins nous écoutons nos émotions, moins nous voulons entendre celles des autres, elles nous envahissent, elles nous oppressent, et nous les rejetons avec tout ce dont nous disposons : la fuite, le conseil, le déni.
Je me sens comme l'albatros sur la terre. Mais je ne sais plus voler. Encore et toujours, on me somme d'écrire et quoi, grands dieux ? Je n'ai plus envie d'écrire que sur les choses importantes et je ne les domine pas du tout suffisamment. Que veux-tu écrire, disciple ? Tu n''as pas de maître dont retranscrire les mots.Tu n'es pas un maître toi-même. Il n'y a pas de temps à faire perdre.