Résistance
Avant-hier soir, je quitte mon ordinateur aux alentours de 23H58. mets à baisser le volet électrique de ma chambre, vais faire pipi, éteins le séjour ainsi que la rallonge où sont branchées la télé
et la mini-chaîne pleines de voyants inutiles et dispendieux. Arrivée près du lit je constate sur le réveil électronique qu'il est une heure du matin, j'aurais juré qu...
Mais d'un autre coté, il est bien vrai que j'avais trouvé le temps long. Sans plus y penser, je lis un peu avant d'éteindre les feux pour la nuit.
Le lendemain matin, le réveil sonne à 8h30, comme toujours mais mon émergence est rude, je grasse-matine dix minutes avant de me bouger. Arrivée jusqu'à l'ordi, je constate qu'il est 7h40 et me dit que c'est pas étonnant si j'ai du mal à émerger...
Je ne me méfie pas.
Quelques heures plus tard, bouchonnée, étrillée, je me dis que c'est fou, je n'ai pas du tout entendu parler de changement d'heure, mais néanmoins, j'aligne mon réveil et mon téléphone sur l'heure de l'ordi qui a toujours raison.
Je ne me méfie pas.
Une longue matinée s'écoule, puis, enfin 13 heures, je vais pouvoir déjeuner avec le journal, comme toujours et je m'installe devant la télévision avec ma salade. Comme d'habitude (récente) j'oublie que la rallonge étant éteinte, la télécommande ne sert pas à grand-chose, me souviens enfin, allume la ralonge à prises multiples, puis la télé, là, pas de journal ! Ni sur la 2, ni même sur la 1 ! Pestant sur ces feignasses de journalistes ayant trop fêté l'hommage au groom chanteur, pour la première fois de ma vie, je regarde Julie Lescaut sur la 1.
Je ne me méfie pas...
l'après-midi passe doucement, je suis nerveuse, je collecte différentes choses que je vais dire à ma séance de psy, menant toutes au sujet crucial du moment, j'ai honte d'avance mais je sais qu'en séance tout passe mieux, tout de même, il est bien long, cet après-midi. Vers 16h55 ma nervosité monte d'un cran, je suis prête à partir mais le rendez-vous est à 18h30, le départ est pour dans une heure. Je me moque de moi qui suis si pressée.
Je ne me méfie pas.
Enfin 18h, j'attrape les lunettes de soleil qui servent à camoufler les dégats sur mon visage à la sortie des bonnes séances et je sens que celle-ci sera bonne, je fais le plein de mouchoirs et pars pour le quartier où se trouve le cabinet. A l'entrée, je trouve porte close à l'immeuble, c'est une première mais je suis en avance, peut-être que le psy débloque l'entrée seulement quand il arrive ? J'attends.
Je ne me méfie pas.
Une femme sort qui ne retient pas la porte, tout de même, il fait un peu sombre dehors, j'attends 18h30, 32, 35... Pas de psy, pas de coup de fil m'indiquant qu'il est en retard, il fait un peu sombre dehors, un doute affreux me saisit, j'arrête une femme dans ce quartier particulièrement macho, je lui demande l'heure, elle me répond : "Il doit être dix-neuf heures... trente, par là." avec un air d'excuse pour son manque de précision. Je la remercie, trop sonnée pour lui rendre son beau sourire, je repars immédiatement vers chez moi.
Et pourtant, je le savais.
Sur la route, j'appelle mon psy ; "Docteur Divan, Ardalia à l'appareil, je suis désolée, j'ai eu un problème de... d'ordinateur et du coup je reviens du cabinet, je croyais qu'il était 18h30..." "Eh non !" Me fait la voix amusée de mon psy et nous prenons rendez-vous pour la semaine suivante, même heure, la bonne cette fois.
Cet amusement me confirme le mot qui me harcelait sur la route du retour ; résistance, résistance !
J'ai honte et resiste encore un peu à l'évidence, pourtant, je voulais parler, j'étais prête, je voulais avancer... mais cette force dans le mensonge, dans la négation de la réalité, cette force avec laquelle, contre tout bon sens, je me suis engouffrée dans cette brèche offerte par l'ordinateur... Si je n'ai pas rêvé ?
Non, il m'indique une heure trop tôt, pourtant c'est le bon fuseau, pourquoi et comment s'est-il dérèglé, je l'ignore, ce qui compte, c'est le résultat.
Voilà, la résistance, c'est ça, c'est sincère, on ne peut plus naïf, on ne peut plus criant...
La vérité c'est que la semaine dernière, il m'a lancé une phrase, très clairement, d'une voix bien sonore, les yeux bien droit dans les miens et l'accent local bien coloré : "Pourquoi feriez-vous confiance aux hommes, puisque vous êtes belle pour votre père ?"
En entendant cela, je me suis sentie me calcifier sous le choc, j'ai dévié le sujet, j'ai fait l'innocente. J'ai fait l'innocente...
Depuis, je sens ce nœud œdipien comme un nœud gordien, je voudrais le trancher au plus vite et en même temps, je ressens avec force l'effroi terrible, la paranoïa galopante, je suis sur une défensive dont je n'avais pas idée, dont beaucoup me parlent depuis toujours mais je faisais l'innocente.
D'un coup je fais un lien nouveau entre l'âge, trois ans, où la surdité prend son essort et l'œdipe, la maladie peut-être moins destinée à protèger de l'extérieur comme je l'imaginais auparavant que de l'intérieur, du désir honteux, et la cécité (le mot dont dérive mon prénom) qui prend son essort à la puberté, bon Dieu mais c'est évident qu'il y a un lien ! Je pense à la recette du bonheur chinoise, les trois petits singes qui se cachent les oreilles, les yeux et la bouche et je songe que si on avait laissé faire la nature, je serais muette autant que sourde... Bah, ces pensées aussi servent à faire l'innocente et je sais qu'il va falloir aller au charbon, le vrai, celui qui, rien que d'y penser, donne envie de hurler de douleur...
Bon, maintenant, je sais que j'ai peur.
C'est génial, c'est affreux, c'est épouvantable, c'est fou, c'est... une banale névrose.
Mais d'un autre coté, il est bien vrai que j'avais trouvé le temps long. Sans plus y penser, je lis un peu avant d'éteindre les feux pour la nuit.
Le lendemain matin, le réveil sonne à 8h30, comme toujours mais mon émergence est rude, je grasse-matine dix minutes avant de me bouger. Arrivée jusqu'à l'ordi, je constate qu'il est 7h40 et me dit que c'est pas étonnant si j'ai du mal à émerger...
Je ne me méfie pas.
Quelques heures plus tard, bouchonnée, étrillée, je me dis que c'est fou, je n'ai pas du tout entendu parler de changement d'heure, mais néanmoins, j'aligne mon réveil et mon téléphone sur l'heure de l'ordi qui a toujours raison.
Je ne me méfie pas.
Une longue matinée s'écoule, puis, enfin 13 heures, je vais pouvoir déjeuner avec le journal, comme toujours et je m'installe devant la télévision avec ma salade. Comme d'habitude (récente) j'oublie que la rallonge étant éteinte, la télécommande ne sert pas à grand-chose, me souviens enfin, allume la ralonge à prises multiples, puis la télé, là, pas de journal ! Ni sur la 2, ni même sur la 1 ! Pestant sur ces feignasses de journalistes ayant trop fêté l'hommage au groom chanteur, pour la première fois de ma vie, je regarde Julie Lescaut sur la 1.
Je ne me méfie pas...
l'après-midi passe doucement, je suis nerveuse, je collecte différentes choses que je vais dire à ma séance de psy, menant toutes au sujet crucial du moment, j'ai honte d'avance mais je sais qu'en séance tout passe mieux, tout de même, il est bien long, cet après-midi. Vers 16h55 ma nervosité monte d'un cran, je suis prête à partir mais le rendez-vous est à 18h30, le départ est pour dans une heure. Je me moque de moi qui suis si pressée.
Je ne me méfie pas.
Enfin 18h, j'attrape les lunettes de soleil qui servent à camoufler les dégats sur mon visage à la sortie des bonnes séances et je sens que celle-ci sera bonne, je fais le plein de mouchoirs et pars pour le quartier où se trouve le cabinet. A l'entrée, je trouve porte close à l'immeuble, c'est une première mais je suis en avance, peut-être que le psy débloque l'entrée seulement quand il arrive ? J'attends.
Je ne me méfie pas.
Une femme sort qui ne retient pas la porte, tout de même, il fait un peu sombre dehors, j'attends 18h30, 32, 35... Pas de psy, pas de coup de fil m'indiquant qu'il est en retard, il fait un peu sombre dehors, un doute affreux me saisit, j'arrête une femme dans ce quartier particulièrement macho, je lui demande l'heure, elle me répond : "Il doit être dix-neuf heures... trente, par là." avec un air d'excuse pour son manque de précision. Je la remercie, trop sonnée pour lui rendre son beau sourire, je repars immédiatement vers chez moi.
Et pourtant, je le savais.
Sur la route, j'appelle mon psy ; "Docteur Divan, Ardalia à l'appareil, je suis désolée, j'ai eu un problème de... d'ordinateur et du coup je reviens du cabinet, je croyais qu'il était 18h30..." "Eh non !" Me fait la voix amusée de mon psy et nous prenons rendez-vous pour la semaine suivante, même heure, la bonne cette fois.
Cet amusement me confirme le mot qui me harcelait sur la route du retour ; résistance, résistance !
J'ai honte et resiste encore un peu à l'évidence, pourtant, je voulais parler, j'étais prête, je voulais avancer... mais cette force dans le mensonge, dans la négation de la réalité, cette force avec laquelle, contre tout bon sens, je me suis engouffrée dans cette brèche offerte par l'ordinateur... Si je n'ai pas rêvé ?
Non, il m'indique une heure trop tôt, pourtant c'est le bon fuseau, pourquoi et comment s'est-il dérèglé, je l'ignore, ce qui compte, c'est le résultat.
Voilà, la résistance, c'est ça, c'est sincère, on ne peut plus naïf, on ne peut plus criant...
La vérité c'est que la semaine dernière, il m'a lancé une phrase, très clairement, d'une voix bien sonore, les yeux bien droit dans les miens et l'accent local bien coloré : "Pourquoi feriez-vous confiance aux hommes, puisque vous êtes belle pour votre père ?"
En entendant cela, je me suis sentie me calcifier sous le choc, j'ai dévié le sujet, j'ai fait l'innocente. J'ai fait l'innocente...
Depuis, je sens ce nœud œdipien comme un nœud gordien, je voudrais le trancher au plus vite et en même temps, je ressens avec force l'effroi terrible, la paranoïa galopante, je suis sur une défensive dont je n'avais pas idée, dont beaucoup me parlent depuis toujours mais je faisais l'innocente.
D'un coup je fais un lien nouveau entre l'âge, trois ans, où la surdité prend son essort et l'œdipe, la maladie peut-être moins destinée à protèger de l'extérieur comme je l'imaginais auparavant que de l'intérieur, du désir honteux, et la cécité (le mot dont dérive mon prénom) qui prend son essort à la puberté, bon Dieu mais c'est évident qu'il y a un lien ! Je pense à la recette du bonheur chinoise, les trois petits singes qui se cachent les oreilles, les yeux et la bouche et je songe que si on avait laissé faire la nature, je serais muette autant que sourde... Bah, ces pensées aussi servent à faire l'innocente et je sais qu'il va falloir aller au charbon, le vrai, celui qui, rien que d'y penser, donne envie de hurler de douleur...
Bon, maintenant, je sais que j'ai peur.
C'est génial, c'est affreux, c'est épouvantable, c'est fou, c'est... une banale névrose.
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