Grandir.
Chers lecteurs, cher journal, cher tout ce qui est là,
il est 4h30 et j'ai lutté en vain 30 minutes pour me rendormir.
Figurez-vous que mon cerveau a compris un truc Il est déchaîné et il faut absolument qu'il te raconte. Je ne sais pas bien pourquoi, mais je me dis que d'une part il a peut-être peur d'oublier — et vu la vitesse à laquelle il passe à autre chose, ce n'est pas forcément idiot — et d'autre part il veut de la reconnaissance — et vu l'histoire de sa famille, ce n'est pas forcément inutile.
Hier soir, j'avais atelier CNV. Mes deux interlocutrices successives ne se sont pas donné le mot, pourtant, toutes deux, elles ont passé outre la consigne de l'exercice réciproque pour me donner toute leur attention. Ce qu'elles savaient toutes deux, c'est que j'avais mal au dos, à divers endroits et que j'étais en colère.
j'ai donc parlé, plus de deux heures, de ce qui m'agitait. Lui, qui a exigé de rester en contact avec moi et moi qui y ai consenti, parce que je l'aime. Lui, qui veut bien être aimé de loin, moi qui n'accueille pas ça toujours très bien... Moi qui ai demandé une pause, parce que je n'en peux plus de me mettre dans tous mes états devant lui qui a "rencontré quelqu'un", ce qui est déjà assez dur en soi et qui m'en a dit quelques mots, à ma demande, ce que je n'ai pas supporté. J'ai parlé de moi, qui suis prise entre lui, mon élan fou d'amour et les exigences spécifiques de la réalité. Moi, ma découverte du schéma d'abandon au niveau familial, mon impression de déception en me disant que j'ai été élevée par des enfants et la conscience que je dois trouver comment être adulte toute seule. J'ai parlé de moi, qui suis débordée par le traitement du présent avec lui, du présent avec moi, du passé avec lui et du passé avec toute mon histoire.
Le "présent avec lui" est en pause, il me manque affreusement, mais pendant ce temps-là, rien ne se passe avec lui qui me stimule plus que ça. J'ai donc travaillé le "passé avec lui" et j'ai vu hier que durant toute notre vie commune, il n'a cessé de me dire — à sa façon — de rester avec moi et de communiquer mes émotions et mes besoins, — moi — et de ne pas lui demander de les accueillir, de faire le boulot que je ne fais pas.
Tout cela a maturé, aidé, peut-être, par l'accueil empathique qui me fut offert hier : mon génial cerveau qui a entendu ce message des milliers de fois et l'a lui-même diffusé vient enfin de comprendre le message, vu que c'est quelque chose comme l'essence même de la CNV : être adulte, c'est voir le réel comme il est et assumer ses émotions.
Voici donc la réponse au message de victimisation de toutes ces générations d'abandonnés : qu'est-ce qui t'arrive, mon petit ? Genre, ce dont j'ai bénéficié hier, et ce que j'ai compris, une fois de plus, hier : rester avec soi, s'accorder la première place dans sa vie, se donner régulièrement toute son attention. Même pas par délice narcissique : juste pour ne pas empiler quotidiennement des récits toxiques de victimisation.
Et m'accorder toute mon attention quant à ce que j'ai vécu enfant, c'est dissiper enfin toutes ces histoires où je suis une pauvre petite fille seule, abandonnée.
Il est 5 heures, Toulouse s'éveille et je retourne me coucher. Bonjour à tous.